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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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Politblog 20.8.2014

L’isolationnisme est le chemin le plus sûr vers la ruine 

L’espoir fait vivre. Mais la réponse* de l’Union européenne (UE), rédigée en concertation avec les États membres comme le précise Madame Ashton, montre que l’UE n’est pas disposée à négocier sur des contingents d’immigration, des plafonds et la préférence nationale. Pour le stratège de l’UDC Blocher, cela n’a aucune importance : il a laissé tomber le masque et prêche désormais activement pour le renoncement aux accords bilatéraux. En d’autres termes, il entend renoncer à notre ancrage économique et pratique à l’Europe.

Le leader populistes n’a actuellement guère besoin de s’agiter. Il lui suffit de contempler tranquillement le démontage qui se prépare. Dans le texte constitutionnel, il a en effet introduit une bombe à retardement, sous la forme d’une mise en œuvre par ordonnance au cas où le Parlement n’aurait pas adopté la législation de mise en œuvre en février 2017. Au plus tard à ce moment-là, la Suisse violerait grossièrement les accords bilatéraux ce qui conduirait à leur suspension ou alors résiliation.

Sans la coopération en matière policière et judiciaire, la Suisse se transformerait rapidement en plate-forme européenne de la criminalité L’isolement de la Suisse par rapport à l’Europe serait dramatique, pas seulement sur le plan économique, mais aussi au niveau pratique, si l’on pense par exemple à la sécurité publique. Sans la coopération en matière policière et judiciaire, la Suisse se transformerait rapidement en plate-forme européenne de la criminalité. Cela ne serait pas acceptable et ce n’est probablement pas ce que la majorité du peuple souhaite.

En fin de compte, la destruction des accords bilatéraux ne peut être évitée que de deux façons: soit on corrige l’article 121a de la Constitution, soit on l’ignore. Cette seconde stratégie a déjà été parfois pratiquée en Suisse. Ainsi, l’article constitutionnel sur l’assurance-maternité est resté lettre morte pendant une cinquantaine d’années. Au plan technique, rien de plus simple : il suffit que le Parlement refuse la législation d’application et que le Conseil fédéral ne promulgue pas l’ordonnance prévue par l’article 121a. On se retrouverait ainsi dans un “no man’s land” institutionnel, mais les accords bilatéraux seraient provisoirement sauvés et nous aurions gagné du temps, du moins jusqu’à la votation sur une éventuelle initiative de mise en œuvre. Je comprends que les milieux économiques soient tentés par cette stratégie. Ils espèrent que dans cinq ans, une telle initiative de mise en œuvre échoue devant le peuple.

Malheureusement, ce scénario fera le beurre des populistes de droite. Il leur permettra de jouer sans limite la carte de l’indignation. L’effet sera délétère sur le climat politique dans le pays et sapera la confiance envers les institutions de la démocratie semi-directe. Il renforcera la paranoïa contre les étrangers et l’Europe, et finira immanquablement par aboutir à l’acceptation d’une nouvelle initiative désastreuse.

Il faut au contraire avoir le courage de lancer le processus de correction de la Constitution afin de sauver des accords bilatéraux. Une nouvelle disposition constitutionnelle pourrait par exemple stipuler que l’article 121a à ne s’applique pas aux relations avec les pays de l’UE. Le président la Confédération Didier Burkhalter a eu raison d’annoncer rapidement qu’une nouvelle votation serait nécessaire, même si ses modalités sont encore floues. Seule une nouvelle votation peut légitimer le chemin de l’ouverture et désamorcer le poison isolationniste. Elle serait particulièrement légitime du fait que l’UDC a parlé de migration, mais que le vrai objectif de son initiative était la disparition des accords bilatéraux, comme elle le reconnaît ouvertement aujourd’hui. Notre pays ne pourra progresser aussi longtemps que l’on n’aura pas désamorcé ce mensonge de l’UDC par une nouvelle votation populaire. Seul le peuple à la légitimité voulue pour corriger ses propres décisions. À cet effet, l’engagement de toutes les forces raisonnables de ce pays est nécessaire. Toute tentative d’éviter l’obstacle par calcul électoral finira par s’avérer un auto-goal. En effet, les citoyennes et les citoyens ne feraient pas confiance à des forces politiques qui auraient pour stratégie l’esquive permanente. Il faut un discours clair : la Suisse ne se portera bien que si elle est ouverte au plan économique et coopérative au plan politique. A contrario, l’isolationnisme est le chemin le plus sûr vers la ruine.