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Roger Nordmann

Conseiller national

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Le Temps, 9.2.2014

Après l'acceptation de l'initiative UDC "Contre l'immigration de masse"

A Ueli Maurer de sauver les bilatérales

Pourquoi il est capital de placer l’UDC face à ses responsabilités. Une rocade au Conseil Fédéral est nécessaire. Le conseiller fédéral UDC doit reprendre les Affaire étrangères des mains du titulaire, Didier Burkhalter.

L’UDC a gagné. En semant la confusion, en attisant les peurs et en affirmant que les accords bilatéraux n’étaient pas menacés, la droite nationaliste a fait passer son initiative. Nous l’avons combattue avec ardeur, mais l’aveuglement anti-européen qui domine le pays l’a emporté. De plus, l’insuffisance des mesures d’accompagnement a également favorisé ce résultat. La décision est très regrettable, mais il faut la respecter. D’une part, elle résulte d’un processus démocratique. D’autre part, elle n’est pas contraire aux droits humains. Par conséquent, les mesures préconisées doivent être maintenant appliquées. C’est le minimum de respect dû à la démocratie directe. Y renoncer reviendrait à confondre ce processus de décision constitutionnel avec un vulgaire sondage Facebook.

Peu débattus au cours de la campagne, les articles adoptés dimanche 4 février 2014 prévoient pour l’essentiel trois mécanismes. 

Premièrement, des quotas annuels d’immigration. L’initiative ne donne pas de chiffre, mais son titre «contre l’immigration de masse» et son argumentation durant la campagne montrent clairement que ces quotas ne peuvent être qu’inférieurs à l’immigration effective de ces dernières années. Sinon, pourquoi l’initiative aurait-elle été lancée? Et pourquoi le peuple l’aurait-il approuvée?

Deuxièmement, l’adaptation dans les trois ans des accords internationaux qui ne sont pas compatibles avec les quotas. C’est évidemment l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes qui est visé. Il doit être renégocié, puis ratifié dans sa nouvelle teneur par les Parlements des 28 Etats-membres, par la Suisse et par le Parlement de l’Union européenne.

Troisièmement, dans les trois ans, ces quotas doivent être entrés en vigueur, soit dans la loi, soit par le biais d’une ordonnance du Conseil fédéral.

Pendant la campagne, nous avons amplement mis en garde sur le conflit potentiel entre le maintien des accords bilatéraux et une mise en œuvre correcte de l’initiative. En effet: soit la Confédération fixe des contingents restrictifs, et cette mesure conduira rapidement au conflit avec l’Union européenne et à la chute des accords bilatéraux; soit la Confédération fixe des «contingents alibis», c’est-à-dire à un niveau si élevé que la libre circulation ne soit pas entravée. Il est douteux qu’une telle attitude constitue une mise en œuvre honnête de l’initiative.

Forts de leur victoire, les représentants de l’UDC sont maintenant tenus d’apporter la preuve par l’acte que leur initiative ne mettait pas en danger les accords bilatéraux. Il leur incombe d’obtenir, puis de conduire de nouvelles négociations avec la Commission européenne et les 28 états membres de l’UE. Une solution intégrant des contingents doit être trouvée et adoptée dans les trois ans, délai fixé par l’initiative elle-même.

Concrètement, la conduite des négociations d’ensemble avec les Européens relevant du département des Affaires étrangères, le représentant de l’UDC au Conseil fédéral, M. Ueli Maurer, doit reprendre ce portefeuille et se mettre immédiatement à la tâche pour obtenir la modification de l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes. Il ne s’agit nullement de sanctionner M. Burkhalter, mais de confier la résolution de ce problème difficile à ceux qui ont affirmé détenir la solution de nos relations européennes.

Si M. Maurer parvient à obtenir un résultat positif, tant mieux. Si en revanche, au terme du délai de trois ans fixé par l’initiative, M. Maurer ne parvient pas à engager le processus de ratification de l’accord révisé sur la libre circulation, l’impasse apparaîtra clairement. M. Maurer sera alors tenu de s’en expliquer et de proposer au pays l’une des trois voies suivantes:

Premièrement, dénoncer l’accord sur la libre circulation au 9 février 2017 pour respecter la Constitution fédérale. Cette décision déclenchera la caducité du premier paquet bilatéral, et peut-être celle des autres, comme Schengen/Dublin. Et si l’absence d’accords bilatéraux devait alors poser des problèmes graves, notamment au plan de l’économie, de la place scientifique et de la sécurité publique, l’UDC en assumera l’entière responsabilité.

Deuxièmement, recourir à des «contingents alibi» pour mettre en œuvre l’initiative, et assumer ainsi le fait que l’UDC propose de trahir le texte qu’elle a fait adopter. 

Troisièmement, engager une révision de la Constitution pour la rendre à nouveau compatible avec les accords bilatéraux ou avec toute autre forme d’ancrage européen.

Quelle que soit finalement la stratégie choisie, le PSS devra conditionner son soutien au renforcement substantiel des mesures d’accompagnement. C’est une question de justice, mais aussi de réalisme politique. Et c’est d’ailleurs aussi l’un des impératifs découlant par l’approbation de l’initiative. La mécompréhension de cet enjeu par le centre droit explique en partie le résultat.

Certes, cette «feuille de route» ne s’inscrit pas complètement dans la logique politico-bureaucratique conventionnelle qu’affectionne l’officialité helvétique. Mais la situation provoquée par l’acceptation de l’initiative UDC est précisément exceptionnelle, par l’ampleur des changements qu’elle impose.

Par ailleurs, l’examen du scénario conventionnel montre qu’il n’a guère de sens. Si le Conseiller fédéral Burkhalter rentre de Bruxelles sans obtenir une renégociation de la libre circulation des personnes, l’UDC instruira à son encontre un procès en faiblesse et en trahison, comme elle en a le secret. A sa place, dira-t-elle, nous aurions fait plier l’UE parce que nous aurions osé l’affronter. Si, par la suite, le Conseil fédéral se replie sur des «contingents alibis» pour sauver les bilatérales, l’UDC hurlera contre ce qu’elle nomme «la classe politique», en oubliant somptueusement qu’elle est le premier parti du pays et qu’elle porte une responsabilité majeure sur son destin. Enfin, elle ne manquera pas de lancer une nouvelle initiative contre l’immigration, par exemple pour appliquer la première, fixer des quotas précis ou lancer une autre démarche accréditant l’idée que les «élites» n’ont pas respecté la volonté du souverain.

Depuis le refus de l’EEE il y a 22 ans, l’UDC poursuit avec constance la même logique de l’irresponsabilité. Après avoir préconisé les bilatérales, elle a saisi chaque occasion pour tenter de les torpiller. Ce dimanche, elle y est vraisemblablement parvenue. Ce double jeu n’a que trop duré. Il n’est plus acceptable que les élus de bonne volonté cachent et réparent les dégâts sciemment provoqués par les populistes. L’UDC a gagné. Que son Conseiller fédéral assume et gère les nouvelles stratégies européennes proposées par son parti. L’opinion publique pourra alors juger sur pièce de la pertinence du chemin proposé par l’UDC, ce qui posera les bases d’une réorientation.

 

 

 

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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne,
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1.04.2017