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Roger Nordmann

Conseiller national

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27.5.2013  Politblog

Réforme de l'imposition des entreprises: comment éviter une saignées dans les finances cantonales et communales

Vendredi 17 mai, le Conseil fédéral a lâché le morceau: la troisième réforme de l’imposition des entreprises, appelée à résoudre le litige fiscal avec l’Europe, creusera un trou massif dans les finances publiques suisses. Il manquera entre 1 et 5 milliards pour financer le service public. Les communes et les cantons seront les principaux touchés.

Face à ce désastre annoncé, la Confédération envisage d’aider les cantons en leur versant des compensations partielles. Celles-ci seraient financées en augmentant d’autres impôts, comme la TVA ou l’impôt fédéral direct. Cette façon de faire déplace massivement l’effort fiscal des entreprises aux ménages. En outre, les cantons et les communes devront lancer des programmes d’économie drastiques sur l’école, la santé, la politique sociale et les transports, qui sont leurs principaux postes budgétaires. Comme les communes ne sont pas représentées à la table des négociations à Berne, elles pourraient d’ailleurs bien supporter l’essentiel de la perte, si les cantons devaient garder l’entier des compensations fédérales pour leur propre budget.

A l’origine de la grogne européenne qui force le Conseil fédéral à agir, on trouve le double langage fiscal pratiqué par la plupart des cantons: les bénéfices des sociétés actives en Suisse sont imposées à un taux ordinaire, mais il existe des « statuts spéciaux » qui donnent droit à un rabais massif dans le calcul de l’impôt communal et cantonal. Ces rabais sont réservés à la part du bénéfice rapatriée de l’étranger. On parle de « ring fencing », ce qui se traduit en français « poser une clôture » (sous-entendu: autour de ces bénéfices pour traiter de manière différenciée).

L’Union européenne s’insurge à juste titre, car la Suisse procède à du dumping: elle offre à ces entreprises actives internationalement un taux très bas qui serait insupportable au plan budgétaire si elle devait aussi l’offrir aux entreprises indigènes. L’ampleur de cette pratique contribue évidemment à l’irritation de nos partenaires économiques, puisque désormais, la moitié des bénéfices imposés en Suisse provient de l’étranger pour bénéficier de ring fencing. Accessoirement, cette pratique est totalement discriminatoire: on ne voit pas pourquoi une entreprise indigène devrait payer deux fois plus d’impôt qu’une multinationale.

Le Conseil fédéral propose de sortir par le bas du dilemme: abolir le « ring fencing » et le remplacer par d’autres astuces moins choquantes à court terme. Comme cela ne suffit pas à maintenir le niveau actuel d’imposition très bas des multinationales, le Conseil fédéral suggère aux cantons de baisser le taux d’ordinaire d’imposition des entreprises. Ainsi, elles seraient toutes taxées au taux actuel des multinationales.

Pour donner des chiffres: une multinationale à statut spécial paye actuellement typiquement au total 12% d’impôt sur le bénéfice, où qu’elle soit en Suisse, contre 22% à 24% par exemple pour une PME zurichoise ou vaudoise. Si les cantons à fiscalité moyenne ou élevée baissent à 12% le taux d’imposition, qui vaudra désormais pour toutes les types d’entreprises, ces cantons seront confrontés à un effondrement budgétaire. S’ils n’adoptent pas un tel abaissement, ces cantons seront confrontés à un exode de multinationales vers les cantons qui offrent d’ores et déjà un taux autour de 12%. Notons qu’en comparaison, le risque d’exode international est bien moindre: il faut aller à Chypre ou en Bulgarie pour trouver des taux officiel aussi bas.

La proposition du Conseil fédéral obéit à une logique implacable en apparence, mais en réalité totalement contre-productive. La Suisse n’est pas un pays en voie de développement obligé d’offrir les taux les plus bas à la ronde. Elle souffre au contraire de sur-attractivité, ce qui conduit à une surchauffe du marché immobilier et à des tensions migratoires excessives. Au PS, nous proposons donc une tout autre approche, beaucoup plus pragmatique, pour sortir la tête haute de ce dilemme.

Le taux fédéral de l’impôt sur les entreprises est actuellement fixé à 8,5% nominal, ce qui représente un socle fédéral payé par toutes les entreprises sans exception. Nous proposons de passer ce socle fédéral à 16% nominal, ce qui revient à environ 14,5% d’imposition effective. La Confédération ne garderait pas ces recettes supplémentaires pour son propre budget, mais les redistribuerait entièrement aux cantons et à leurs communes au prorata de la population, des emplois et des charges-centres. Les cantons et les communes pourraient, à choix, baisser drastiquement ou supprimer complètement leur propre impôt sur le bénéfice. Mais dans tous les cas, les bénéfices, indigènes ou rapatriés, seraient au moins imposés à hauteur du socle fédéral de 14,5%, voire à 2 ou 3% de plus dans les cantons et les communes qui maintiendraient une petite imposition locale. Cette solution présente plusieurs avantages décisifs…
Le rendement global de l’imposition des entreprises serait comparable à ce qu’il est aujourd’hui, sans perte pour les caisses publiques, supprimant par là-même la nécessité d’augmenter la TVA ou l’imposition sur le revenu des personnes physiques.
Le taux serait à la fois attrayant sur le plan international sans être excessivement bas ou prêter le flan à la critique.
Il n’est pas nécessaire, pour remplacer le « ring fencing », d’introduire de nouvelles astuces qui finiraient immanquablement par être contestées sur le plan international.
Pour les entreprises indigènes des cantons dont le taux est aujourd’hui moyen ou élevé, c’est à dire celle des centres économiques ou de certains cantons périphériques, ce dispositif offrirait une baisse substantielle d’impôt.
La diminution des recettes sur l’imposition du bénéfice des entreprises indigènes serait compensée par l’alignement à la hausse des multinationales sur le socle de 14,5%, voire un peu plus dans les centres économiques qui ont d’autres atouts à faire valoir.

Mathématiquement, cette solution se fonde sur une logique très simple: en posant un plancher aux excès de la concurrence fiscale en Suisse, on obtient les moyens financiers nécessaires pour résoudre le dilemme de façon durable et non-dommageable, avec un taux attrayant dans toute la Suisse.

Le seul obstacle à la mise en œuvre de cette solution est de nature idéologique: il faut qu’un majorité admette que la concurrence fiscale intercantonale sous sa forme actuelle est excessive. Autrement dit faire tomber un tabou. Pour l’instant, le Conseil fédéral n’en prend pas le chemin. Quant aux cantons, tiraillés entre cantonalisme étriqué et fédéralisme équilibré, ils essayent encore de faire croire qu’ils pourront se mettre d’accord sur un partage équilibré du gâteau. Mais si celui-ci maigrit de plusieurs milliard, il est impossible qu’ils y parviennent. Combien de temps les cantons mettront-il pour proposer au Conseil fédéral un socle fédéral réhaussé? Les paris sont lancés.

 

 

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