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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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Article 4.6.2008

Les dividendes du 12 décembre 2007

Au lendemain de l'éviction de Christoph Blocher, nombre d'observateurs prédisaient le renforcement massif de l'UDC au fil des élections et des votations populaires. Or c'est exactement l'inverse que l'on observe: dans son domaine préféré, la xénophobie, l'UDC perd très largement ce week-end, malgré un bombardement d'annonces publicitaires. Avec l'initiative muselière, elle perd dans un autre registre de prédilection, celui du dénigrement et de la déconstruction des institutions.

Lors des récentes élections cantonales dans ses fiefs, ses scores ont été inférieurs aux élections fédérales (quoique encore supérieurs aux précédentes élections cantonales). Le procès en sorcellerie intenté à la conseillère fédérale Widmer-Schlumpf et sa section grisonne tourne au fiasco.

La population ne s'est pas mobilisée pour protester contre l'éviction de M. Blocher. Au contraire, 12000 personnes se sont réunies pour défendre Mme Widmer-Schlumpf, et à travers elle, les institutions. Manifestement les Suisses sont choqués par la manière dont les lieutenants de M. Blocher contestent la légitimité démocratique de la nouvelle conseillère fédérale.

M. Blocher lui-même était censé parvenir, grâce à sa connaissance de l'intérieur du gouvernement, à faire «exploser le système». Or on observe qu'il n'en est rien. Les invectives de l'ancien conseiller fédéral ne portent plus, comme l'a démontré l'émission Arena de la télévision alémanique. Les références permanentes des frères Blocher au vocabulaire porcin («Schweinerei», «Sauladen», «Wildsau»*), censées galvaniser l'électorat, aboutissent à le lasser. On ne confond pas impunément les institutions avec un zoo.

A l'évidence, les méthodes qui ont fait le succès de l'UDC ne portent plus. On se trouve selon toute vraisemblance à la fin d'un cycle d'instrumentalisation de la xénophobie à des fins politiques, comme on a pu l'observer lors du déclin de MM. Schwarzenbach, Haider et Le Pen. L'image d'un Christoph Blocher fuyant les journalistes dimanche soir est symbolique: le rideau est en train de tomber sur cette pièce populiste, et elle ne se rejouera plus avec les mêmes acteurs. On en veut pour indice supplémentaire la scission annoncée ce lundi.

En ne réélisant pas Christoph Blocher au Conseil fédéral, il s'agissait notamment de retirer au leader populiste le verni de respectabilité que lui conférait la fonction. La réaction hargneuse qui a suivi a servi de puissant révélateur aux yeux des citoyens. Les dividendes du 12 décembre sont donc bien ceux escomptés.

Ces constats ne signifient pas que la Suisse est durablement à l'abri du populisme: l'UDC occupe plus du quart du parlement et dispose de ressources financières conséquentes. L'instrumentalisation de la haine en politique peut réémerger en tout temps. Ce risque est d'autant plus fort que la société de l'hyper communication est très sensible au cocktail unissant xénophobie et achat d'espace publicitaire.

Rétrospectivement, l'erreur colossale du 10 décembre 2003 n'en apparaît que plus clairement: en élisant M. Blocher au Conseil fédéral, les radicaux (avec l'appui de l'extrême gauche) lui ont permis de dicter l'agenda politique jusqu'à l'apothéose des élections fédérales de 2007. Le peuple suisse étant respectueux des institutions politiques, M. Blocher bénéficiait, ex officio, d'une crédibilité accrue. En fonction, M. Blocher a systématiquement appliqué une méthode que l'on pourrait qualifier de «populisme institutionnel». Cette méthode payait assez pour quoi qu'en disent certains auteurs anonymes, M. Blocher tienne beaucoup à son ministère.

Plus que tous, le Parti radical devrait être interpellé: victime du syndrome de Stockholm, la majorité des radicaux ont soutenu jusqu'au bout un Christoph Blocher dont l'un des moteurs constituait pourtant justement l'envie de détruire les radicaux. En outre, le Parti radical s'est employé à offrir à l'UDC une échappatoire à son initiative pour la baisse des prestations dans la santé. Alors que l'UDC s'apprêtait à encaisser, juste avant les élections fédérales, une défaite cinglante, le PRD a concocté un contre-projet d'article constitutionnel sur la santé, ce qui a permis de repousser la votation au-delà des élections fédérales. Ce dernier mois, MM. Pelli et Gutzwiler ont finalement poussé l'abnégation jusqu'à encaisser eux-mêmes les coups destinés à l'UDC.

Quinze ans de domination populiste laissent une Suisse couverte de blessures, spécialement en Suisse alémanique. Il faudra du temps pour cerner l'ampleur des dégâts moraux du blochérisme en Suisse, et pour les réparer. Notamment pour rétablir une identité nationale et politique qui se conçoive autrement que par le rejet de l'autre et par l'égoïsme érigé en vertu. A cet égard, le défi est de taille pour les partis républicains. S'ils ne sont pas à la hauteur, le populisme pourrait rapidement trouver un nouveau souffle.

*Dans l'ordre: «cochonnerie», «porcherie» «femelle de sanglier» (à propos de Mme Eveline Widmer-Schlumpf).

 

 

  

 

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