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Roger Nordmann

Conseiller national

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Article Le temps 21.1.2008

Le paquet fiscal II sert-il réellement  les PME ?

A l’instar du paquet fiscal de 2004, la modification légale soumise aux urnes le 28 février prochain est un multipack à prendre ou à laisser. Ce ficelage s’explique par des considérations tactiques : on tente de noyer dans la masse les points les plus contestables d’une réforme. Il est surprenant que les promoteurs de la démarche aient repris ce stratagème, car il a constitué une des causes de rejet du premier paquet fiscal par 66% des votants.

Dans la livraison 2008, le volet non contesté comprend des facilités fiscales accordées aux entrepreneurs indépendants pour la remise de leur entreprise. Si le peuple dit non en février, ces mesures pourront être rapidement « repêchées ». La Conseillère aux Etats Anita Fetz a déjà déposé une motion dans ce sens. Une telle procédure a déjà été utilisée avec succès pour la rétablissement de l’égalité entre concubins et couple mariés, qui vient d’entrer en vigueur après avoir coulé avec le paquet fiscal de 2004.

La pièce maîtresse de la réforme est en revanche très discutable : elle prévoit que les personnes physiques pourront à l’avenir se contenter d’inscrire 60 centimes sur leur déclaration d’impôt fédéral direct chaque fois qu’elles encaissent un franc de dividende. Toutefois, cet abattement ne sera accordé qu’à la condition que ce dividende provienne d’une société dont le contribuable possède au moins 10% des actions. De plus, une modification de la loi d’harmonisation valide l’octroi du même type de rabais par les cantons, sans fixer de plancher. Ainsi, Glaris, qui accorde un abattement de 80% sur l’imposition des dividendes, n’aura plus à craindre de recours au Tribunal fédéral.

Pour défendre ce système d’abattement des dividendes, ses partisans invoquent le soutien aux PME. Hélas, cet argument relève de la tarte à la crème. Premièrement, parce qu’alléger la facture des personnes physiques détentrices d’un dixième des actions d’une PME n’aide pas directement la PME en question. Au contraire, ce rabais accroît la tentation de vider l’entreprise de ses réserves en augmentant les dividendes, dans une logique étroitement financière.

Deuxièmement, parce qu’en pratique, le cercle des entreprises, ou plus exactement des propriétaires d’entreprises aidés sera très restreint, pour les raisons suivantes : sur les quelques 300'000 unités que compte la Suisse, moins de la moitié sont constituées en SA ou en SàRL ; et parmi ces dernières, moins de la moitié sont bénéficiaires. Ainsi, seules quelques 20% des entreprises  (une petite moitié de la petite moitié) sont théoriquement en situation de verser un dividende. De plus, seul un bon tiers de ces dernières affiche un bénéfice annuel dépassant fr. 50'000.-, et peut donc verser un dividende substantiel. Par conséquent, seuls les propriétaires de 6% à 8% des 300'000 entreprises sont susceptibles d’être aidés. Et comme il faut de surcroît posséder un dixième des actions pour faire valoir l’abattement sur les dividendes, le pourcentage d’entreprises dont les propriétaires finiront par être aidés sera encore plus faible, sans que le chiffre exact soit connu.

Sans surprise, la statistique des personnes physiques est plus informative : on sait que 60'000 contribuables possèdent plus de 10% des actions d’une société. Si l’on admet que la rentabilité de ces sociétés est dans la moyenne, seules 14% d’entre elles font plus de fr. 50'000.- de bénéfice annuel et peuvent donc verser un dividende substantiel. Cela  signifie que la réforme n’aide réellement que 8000 à 10'000 actionnaires, soit 0,2% des contribuables physiques… Leur profil typique est celui de détenteurs de gros paquet d’actions de grandes sociétés rentables, souvent héritées dans le cadre familial, comme viennent de le confirmer plusieurs professeurs de droit fiscal dans la NZZ du 13 janvier 2008. Pour eux, l’argumentation du soutien au PME n’est pas crédible. Si l’on avait voulu offrir à la tranche la plus aisée des contribuable un somptueux rabais fiscal, on ne s’y serait pas pris autrement. Reste à savoir s’il s’agit là d’une priorité utile à la Suisse. Il est permis d’en douter.

En fait, ce dispositif viole doublement l’égalité de traitement garantie par la Constitution fédérale :

  • Les personnes qui gagnent un certain montant sous la forme de salaire, de rente AVS ou de revenu indépendant devront payer sensiblement plus d’impôt que celles qui gagnent la même somme sous la forme de dividende.

  • En outre, le bénéficiaire d’un dividende d’une société dont il ne possède que 9% des actions payera nettement plus d’impôt que celui qui gagne la même somme provenant des dividendes d’une société dont il possède 11%.  

Ces considérations peuvent paraître théoriques. A tort. Car le respect de l’égalité de traitement et le sentiment de justice constituent l’un des fondements de l’acceptabilité d’un système fiscal. En Suisse, l’absence de juridiction chargée de vérifier la compatibilité entre les lois et les articles de la Constitution devrait inciter le Parlement à respecter scrupuleusement ce type de normes. Sur ce dossier, il appartient désormais au peuple de le faire.

 

Roger Nordmann, Conseiller national

 

 

  

 

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1.04.2017