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Roger Nordmann

Conseiller national

Parti socialiste vaudois / lausannois

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Article Le Temps, 14 janvier 1999

Pour un nouveau système de gouvernement vaudois

Roger Nordmann, candidat à la Constituante sur les listes socialistes, préconise l'élection par le peuple d'un chef du gouvernement qui nommerait ses ministres.

Plusieurs voix se sont élevées pour préconiser de centrer le débat sur les valeurs, les droits fondamentaux et les droits sociaux. A mon avis, cette approche néglige la dimension essentielle d'une Constitution cantonale, à savoir fixer les règles du jeu politique et institutionnel.
L'impact pratique des droits fondamentaux au niveau cantonal est presque nul: ces droits découlent directement de la Constitution fédérale et des traités internationaux (comme la Convention européenne des droits de l'homme). C'est généralement sur ces bases que les plaignants obtiennent gain de cause, et non en s'appuyant sur la Constitution de leur canton.

Quant aux droits sociaux, leur effet est essentiellement symbolique, car on ne peut guère obtenir leur réalisation par voie judiciaire: contre qui un chômeur conduirait-il un procès visant à faire respecter son droit au travail? Pour répondre à la crise institutionnelle, on pourrait modifier complètement le système de gouvernement selon les quatre règles suivantes: Le chef du gouvernement est élu par le peuple, au scrutin majoritaire à deux tours. Seuls les deux meilleurs candidats ont accès au second tour, sur le modèle de l'élection présidentielle française.

Une fois élu, le chef du gouvernement compose librement son équipe gouvernementale (jusqu'à 10 membres). Au moment d'entrer en fonction ainsi qu'à chaque modification de la composition de l'équipe, cette dernière doit obtenir la confiance du Grand Conseil. Le chef du gouvernement peut dissoudre le Grand Conseil.Toutefois, s'il choisit cette extrémité, sa propre démission est automatique.

Si le Grand Conseil vote une motion de défiance, le gouvernement est démis, à l'exception de son chef, qui doit constituer une nouvelle équipe sur la base d'une nouvelle coalition. Si après trois essais consécutifs, le nouveau gouvernement n'obtient pas la confiance, de nouvelles élections générales sont organisées, tant pour le Grand Conseil que pour le chef du gouvernement.

En contrepartie du renforcement du tandem parlementaire et gouvernemental, il est judicieux que le peuple puisse obtenir le renouvellement anticipé des autorités. Comme il s'agit d'un acte grave, le nombre de signatures exigées doit être plus élevé que pour un référendum normal.

Selon les époques, le nouveau système permettrait de constituer des coalitions monocolores ou des gouvernements de grande coalition. Dans le cas d'un gouvernement monocolore, celui-ci assumerait clairement sa politique et l'opposition “s'opposerait”. Quant à une coalition gauche-droite, elle ne serait praticable que si un programme de gouvernement a été négocié préalablement. Si un des partis estime ensuite que ce programme n'est pas respecté, il pourrait provoquer la crise gouvernementale en retirant sa confiance. Toutefois, la menace d'élections anticipées serait de nature à faire utiliser prudemment cet instrument et à rechercher le compromis.

Si les partis ne parviennent pas à s'entendre sur un programme, le chef du gouvernement pourrait constituer un gouvernement minoritaire, ses opposants s'abstenant lors du vote de confiance afin d'éviter la reconvocation immédiate d'élections. Une phase de gouvernement minoritaire ne durerait pas très longtemps et se terminerait soit par des élections anticipées, soit par la constitution ultérieure d'une grande coalition. L'électeur aurait naturellement la possibilité de provoquer une cohabitation en votant différemment pour le parlement et le chef de l'exécutif.

De par sa structure, l'homogénéité du gouvernement serait garantie: un ministre qui ne peut plus soutenir la ligne gouvernementale démissionne ou se fait révoquer par le chef du gouvernement. Jean-Pierre Chevènement le résumait ainsi: “Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne!”

Cela ne signifie absolument pas que le chef du gouvernement choisirait des ministres pâles: dans son équipe, il ne pourrait se passer de poids lourds politiques.

La réaction du gouvernement face à un échec en référendum dépendrait naturellement du sujet. S'il s'agit d'un point d'importance secondaire, le gouvernement n'aurait pas de problème majeur à poursuivre sa route. Si le point est vital pour un des partenaires gouvernementaux, le chef du gouvernement proposerait en revanche une modification de la coalition, avec un nouveau contrat de gouvernement. Enfin, si le résultat des urnes remet fondamentalement en cause sa politique, le chef du gouvernement pourrait démissionner.

Bien entendu, ce nouveau système a aussi ses défauts. Toutefois, il serait irresponsable de ne pas jouer la carte du changement institutionnel majeur: c'est le seul levier dont nous disposons pour renouveler la culture politique de ce canton. Continuer de plaider béatement le consensus et la raison auprès d'électeurs qui n'ont plus confiance en les institutions ne sortira pas le canton de l'ornière.

Le système proposé ici permettrait de redynamiser la vie politique cantonale en plaçant les acteurs politiques devant leurs responsabilités. En favorisant l'alternance, la probabilité que des ministres restent douze ou dix-sept ans en fonction sans interruption diminue, éliminant ainsi une des causes importantes de sclérose du système.

Une telle réforme ajouterait à la vie politique vaudoise une dose d'instabilité dont on pourrait attendre des effets pédagogiques positifs: des motions de censure, des ministres qui démissionnent et parfois des élections anticipées rendraient les débats politiques plus lisibles. Or la lisibilité est une condition indispensable pour responsabiliser les électeurs et éviter des votes populaires aussi absurdes que celui de Genève le 20 décembre dernier. A noter au passage que ce vote infirme le préjugé selon lequel des représentants minoritaires à l'exécutif permettent de parer les référendums.

Dans un avenir que je souhaite très proche, l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne mettra le système de gouvernement fédéral à rude épreuve. Le Conseil fédéral l'a compris, mais il a malheureusement démontré son incapacité à s'autoréformer: il n'a même pas été capable d'indiquer une préférence entre les deux réformettes insuffisantes qu'il vient de proposer! Dans un pays o le fédéralisme sert de laboratoire à l'innovation, les Vaudois pourraient retrouver la fonction de pionniers qu'ils ont eue en 1848. En montrant aux Confédérés que d'autres formes de gouvernement fonctionnent mieux, les Vaudois pourraient ouvrir la voie à l'indispensable réforme des institutions fédérales. Gageons que les Suisses allemands seront plus impressionnés par notre courage institutionnel que par nos performances budgétaires! R. N.

Le Temps, 14 janvier 1999

 

  

 

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Contact: Roger Nordmann, Rue de l'Ale 25, 1003 Lausanne,
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Twitter @NordmannRoger

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